Collectif des prisonnièr(e)s des
Cellules Communistes Combattantes

Déclaration d’ouverture de la grève de la faim, 2 septembre 1988

Au printemps 1986, après des mois d'isolement carcéral renforcé, nous, militants et militante des Cellules Communistes Combattantes emprisonnés, avons mené une première longue grève de la faim collective pour rompre l'encerclement par lequel les autorités politiques et judiciaires bourgeoises entendaient nous paralyser et nous briser.

À l'époque, nous exposions ainsi la raison des manœuvres terroristes et criminelles dirigées contre nous :

 « Puisque nous continuons à affirmer notre confiance dans la classe ouvrière et son devenir historique, nous devons être bâillonnés.

 « Puisque nous ne désertons pas nos tâches d'agitation politique pour l'organisation révolutionnaire des exploités — Que mille cellules naissent ! — nous devons être isolés.

 « Puisque nous refusons d'abjurer la dignité et la liberté que nous avons découverte et conquise dans et par la pratique révolutionnaire, nous devons être détruits. »

Et la réalité de ces dernières années n'a fait que démontrer la terrible lucidité de notre propos.

Par la grève collective de 1986 et grâce à la mobilisation et l'écho solidaires qu'elle a rencontrés, nous avons pu imposer à Gol et ses complices une marche arrière dans leur plan infâme: après quarante-trois jours d'atermoiements et de marchandages immondes, ils s'engageaient enfin à répondre favorablement aux principales exigences de notre lutte, à savoir l'obtention de conditions de détention assurant la protection de notre intégrité, ainsi que l'exercice d'une activité politique minimale ( information, étude, correspondances, visites ).

Ce dont nous nous doutions, — mais notre situation objective d'otages nous empêchait de l'anticiper pratiquement —, c'est que cédant avec dépit ces mercenaires de l'État bourgeois complotaient déjà pour trahir leur parole.

Si nous reprenons aujourd'hui 2 septembre 1988 la lutte par la grève de la faim illimitée, c'est tout simplement parce que les flics nous ont maintenant repris presque l'entièreté des rares améliorations concédées en 1986 et que nous sommes à nouveau soumis à des mesures strictes d'isolement. Les revendications de cette nouvelle grève sont donc rigoureusement les mêmes que celles d'il y deux ans.

Nous sommes des prisonniers politiques — communistes — dans un État démocratique bourgeois et cela veut dire clairement, comme la brutalité de la répression le démontre ici en Belgique et plus encore dans d'autres pays européens, des otages aux mains de la bourgeoisie impérialiste. Dans ce cadre, nous savons que seule la lutte totale peut garantir notre intégrité, seul le combat permanent peut arracher la transformation durable des régimes de détention dégradants et destructeurs.

La lutte révolutionnaire étant fondamentalement un processus politique, la bourgeoisie se retrouve donc contrainte de la combattre avant tout à ce niveau. Mais comme son ordre social va toujours plus à l'encontre des intérêts du peuple, comme son système politique et juridique est tout entier fonction de sa domination de classe et comme son régime économique fonde l'exploitation toujours plus forte et flagrante du monde du Travail, elle sait parfaitement bien qu'elle ne peut affronter politiquement — en toute clarté — le projet communiste, l'idéal prolétarien de libération.

C'est pour cette raison que, quels que soient les lieux ou les époques, les manœuvres contre-révolutionnaires conduites par la bourgeoisie sont toujours basées sur l'intoxication et la manipulation de la conscience sociale, sur la falsification et la calomnie des principes et stratégies révolutionnaires et partant, sur la neutralisation par tous les moyens, même les plus extrêmes, des forces capables de restituer une vision exacte et dynamique du projet et de la lutte communistes. Parmi ces forces se trouvent les militants communistes prisonniers dont c'est une des responsabilités et non la moindre. En effet, tout l'effort des combattants révolutionnaires désarmés militairement et détenus par l'ennemi vise la création et la propagande politiques pour leur cause. C'est leur conscience, c'est leur devoir, ils n'ont de vie que dans la façon dont ils peuvent transmettre au plus loin et au mieux la théorie et la stratégie révolutionnaires, gages émancipateurs de la classe toute entière.

De ce fait, par la rencontre de leur devoir militant et de la vulnérabilité de leur situation, les combattants communistes captifs sont toujours les premiers exposés aux exactions de l'arbitraire bourgeois. C'est ainsi qu'en Turquie, en RFA, en Espagne, en Irlande ... et partout où s'affrontent des forces révolutionnaires organisées et la bête impérialiste, les militants incarcérés sont toujours soumis à des mesures d'exception allant jusqu'à l'assassinat.

Le fait que nous soyons dans ce pays les quatre seuls prisonniers à connaître ces conditions de détention illustre bien cette réalité : ce régime de captivité relève d'une décision purement politique et poursuit une finalité exclusivement politique.

Cela révèle plus que jamais toute la fraude historique de la démocratie bourgeoise, toute la caducité du pouvoir impérialiste, incapables de fournir une réponse politique à la critique définitive que leur porte la politique prolétarienne, exprimée fût-ce par la seule voix de quatre prisonniers ! La pratique de la démocratie bourgeoise face au message authentique de la Révolution ne peut consister qu'en l'usage brutal du bâillon et du mensonge, mensonge fort d'une impunité garantie par le crime du bâillon. Voilà qui démontre irréfutablement la véritable et exclusive nature de l'ordre qui nous opprime et qui augure funestement de tous les terrorismes auxquels il ne manquera pas de recourir quand le mouvement prolétarien le prendra à la gorge.

Dès nos arrestations, nous fûmes ensevelis dans la solitude et le silence : nous étions une source d'information et d'agitation révolutionnaires qu'il fallait tarir, une conscience rayonnante et vivante qu'il fallait occulter immédiatement. Notre lutte de mai et juin 1986 repoussa partiellement cette combine : malgré un soutien traditionnel et fervent de la majorité des médias, le gouvernement d'alors n'osa pas assumer le meurtre de l'un de nous, tant il redoutait de se démasquer définitivement aux yeux de tous. Tout en sachant que nous exploiterions sans le moindre retard et à l'avantage unique de la cause prolétarienne les ouvertures concédées, la bourgeoisie évalua ce recul pour elle moins dangereux à court terme que de jeter bas son masque démocrate.

Ce repli ne pouvait cependant qu'être provisoire.

Alors que d'une main elle cédait fallacieusement à nos revendications, la bande Martens-Gol, fidèle à sa technique bien éprouvée à l'égard des luttes sociales, en manigançait déjà la récupération de l'autre. Pour ne citer qu'un seul exemple : alors que les autorités s'étaient engagées à permettre l'échange de correspondances, mois après mois, et avec une régularité sournoise, les flics en ont toujours plus retardé la circulation et ont ouvert toujours plus grande la trappe des disparitions clandestines. Aujourd'hui la majorité des lettres qui nous sont adressées sont volées anonymement et quant à celles ( choisies ) qui échappent à cette kleptomanie des GIA, BSR & Cie, elles traînent dans leurs bureaux durant un à trois mois ou plus.

Suite à l'interview que nous avons donnée au journal Le Peuple en avril 1987, l'offensive policière contre nous s'est brusquement radicalisée. Mais s'il est certainement fondé de penser que cette réaction témoigne de la rage du pouvoir bourgeois devant la liberté de notre prise de parole franche en direction du prolétariat, il serait réducteur de croire qu'elle trouve là sa seule raison. L'escalade de la censure, la confirmation définitive du refus inconditionnel des visites extra-familiales et le retour à un isolement quasi hermétique annonçaient manifestement l'échéance prochaine des audiences publiques du procès.

Les audiences polariseront naturellement l'attention de nombreux travailleurs combatifs sensibles à la lutte de notre organisation. Et ce que la bourgeoisie craint par dessus tout, comme nous l'avons expliqué plus haut, c'est la confrontation politique qui, à cette occasion, l'opposera une fois de plus au discours marxiste-léniniste de notre combat révolutionnaire. Alors, dans le rêve insensé de pouvoir se servir des audiences afin de monter une comédie lugubre à la gloire de son règne sans partage, de son droit de négrier, de son appareil répressif, de sa démocratie de banquiers et de marchands de canons, de son « Monde Libre » au million de sans-travail mais aux cent cinquante mille flics, gendarmes ou militaires, la bourgeoisie, qui n'est pas encore rassurée par près de trois années de désertification de notre quotidien, met les bouchées doubles pour tenter de vaincre notre résistance d'ici là.

Il est en effet nécessaire à la bourgeoisie d'exhiber aux audiences des prisonniers décollectivisés, isolés et atomisés. Seule cette supercherie pourrait donner un semblant de crédibilité à sa grossière vision policière de l'Histoire qui tente de réduire une démarche révolutionnaire à une série de faits divers, à une mosaïque d'initiatives individuelles. La décollectivisation est le premier pas vers la dépolitisation, donc vers la falsification.

C'est encore sur cette base de la dépolitisation que l'appareil judiciaire bourgeois a conçu une nouvelle manipulation. Après avoir tout essayé pour atomiser les militants des Cellules Communistes Combattantes emprisonnés, il tente maintenant de les dissoudre dans un amalgame bricolé pour la circonstance. L'amalgame — qui consiste à mêler dans un même procès les militants des Cellules et d'autres personnes n'ayant rien à voir ni avec leur organisation ni avec leur projet politique — vient en quelque sorte couronner les manipulations précédentes. L'isolement en prison suivi de l'amalgame au procès, voilà qui constitue l'essentiel de la tortueuse construction dont la justice bourgeoise a besoin pour accomplir son œuvre contre-révolutionnaire derrière une façade de normalité.

Pour monter le spectacle d'une justice apolitique, étrangère aux intérêts du capital, la bourgeoisie multiplie les attaques politiques.

Pour se garantir la conformité d'un procès normalisé, la bourgeoisie multiplie les mesures d'exception.

Pour façonner l'image d'un procès serein et démocratique, la bourgeoisie multiplie les agressions policières.

Car c'est fondamentalement de tentative de destruction qu'il s'agit dans ce cas. Sans doute celle de quatre militants — et même s'il s'agit de nous, c'est peu de choses devant toutes les victimes de la barbarie impérialiste — mais surtout celle de l'identité collective dont ils sont vecteurs : la conscience politique émancipatrice de la classe prolétarienne. Ce que la bourgeoisie entend combattre à travers nous, c'est l'identité et l'engagement révolutionnaires, c'est la légitimité invincible de la lutte du monde du Travail pour sa libération, c'est la dynamique de la lutte des classes qui conduit inexorablement à l'effondrement de la vieille société et à l'avènement du Socialisme, c'est la résurgence de la conscience la plus élevée du prolétariat : le Marxisme-Léninisme.

Cela concerne donc chaque prolétaire, chaque communiste.

C'est à partir de cette position de classe que nous reprenons aujourd'hui la grève de la faim collective, avec pour objectif immédiat une transformation des conditions de captivité qui nous permettra la maîtrise totale de notre intervention lors des audiences du procès.

Classe contre classe !
Que mille Cellules naissent
 !
Tout le pouvoir aux travailleurs
 !
Pour le Communisme
 !

Didier Chevolet, Pascale Vandegeerde, Pierre Carette et Bertrand Sassoye,
prisons de Forest et Saint-Gilles